Un bleu si bleu que seule l’écarlate…

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un bleu, celui qui habite également ma poésie et mes vidéos.
bleu de mon imaginaire, de mes rêves,
de mes rêves et de leurs reflets sur les eaux calmes et si lentes
bleu de ma Méditerranée
celui des mosquées d’Ispahan et de la miniature persane
bleu de mes rêves, bleu qui me rêve
impalpable et incommensurable
toujours déjà-là, bleu de l’avant et de l’après
bleu que vivifient délavent ou  foncent les vents
qu’allègent les brumes,
bleu où s’effilochent et s’oublient les traînées des vols
bleu toujours déjà-là
dédié à qui flâne en son immatérialité

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Un bleu si bleu que seule l’écarlate…

https://jpbrigaudiot.com/un-bleu-si-bleu-que-seule-lecarlateCe fut le titre d’une période limitée à deux expositions, en 2018, à la Galerie Saless de Téhéran puis au Centre Culturel d’Iran à Paris. Des peintures sur papier où peinture et poésie se conjuguent, s’articulent, se font écho, et une vidéo avec le même titre où sont lus des poèmes, en français et en farsi.

Cette période se veut un hommage à la couleur, plus précisément au bleu si bleu et davantage encore à l’écarlate, ce rouge incroyable, indescriptible, couleur rutilante parmi les couleurs. Imprégnation sans nul doute de la miniature persane et des céramiques des mosquées et palais d’Ispahan, échos de ces merveilles que Brigaudiot a tant fréquentées. Le bleu est celui du ciel, infini et impalpable. Et peut-être est-il aussi un hommage à cet YKB blue surgi de la Méditerranée et dont Yves Klein a fait sa marque. Grandes, très grandes pages de papier où s’inscrivent les silhouettes de paysages imaginés, paysages du bord du monde et de l’immense, traversés par les lignes de cette poésie d’artiste plasticien, tellement chargée des mots de la peinture. Paysages imaginés, myriades d’étoiles, fenêtres entrouvertes sur l’espace, les temps infinis et la nuit la plus noire. Les grands polyptyques de cette période témoignent d’une volonté, d’une préoccupation de Brigaudiot de proposer d’autres modalités d’apparition, d’autres modalités d’être de la poésie que celles de l’impression en ouvrage-papier. Il s’agit de hisser la poésie à l’échelle même du spectateur, de le baigner de poésie, en même temps que de lui donner une nouvelle et autre présence en ces lieux de l’exposition. Il s’agit aussi de faire œuvrer de pair deux mondes que la culture a séparés. Et peut-être s’agit-il de retrouver, comme il en va des sourates si merveilleusement calligraphiées, ce que l’imprimerie a pu oublier de cet enchantement, de cette co-présence du contenant et du contenu.

La vidéo résonne du chant des mots, comme à cappella, les répons se font d’une langue à l’autre, le persan et le français. Et se jouent des allers retours entre lire et voir: voir les mots et les lire c’est sans nul doute oublier leur plasticité. Ou bien voir les mots en tant que formes-signes et oublier leur sens. Mais aussi écouter les mots de la poésie, faisant abstraction, peut-être, du sens, au profit de leur chant. Quête du beau ou de l’infiniment beau, ineffable sentiment. Les polyptyques qui marquent cette période sont en quelque sorte un rappel du recueil où sommeille habituellement ma poésie pour une alternative monumentale et à livre définitivement ouvert. Une poésie de plain pied inscrite en l’espace réel de qui la lit. Un bleu, si bleu que seule l’écarlate… Comparaison entre cette indescriptible beauté des cieux et de la mer Méditerranée, comparaison avec ce rouge incroyable qu’est l’écarlate, plus rouge que l’imaginaire ne peut.