Les étoiles

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je V, sans y voir,
je V, sans comprendre,
ô vanité!
silence des eaux refermées sur la mémoire
et: le ciel et la terre,
en un indéfinissable temps, jusqu’à je ne sais


(Et les étoiles tombèrent sur la terre) Apocalypse de Jean, 2.1.


temps compté, temps décompté
va et passe et ne repasse
à sa propre mesure

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Les Étoiles.

La figure de l’étoile apparaît d’abord sous la forme d’une simple croix faite de deux traits de longueur égale et perpendiculaires, croix énumérées et numérotées de 1 à l’infini -ou presque- dans des œuvres de comptage, c’est-à-dire des œuvres où cohabitent un signe dépouillé de la croix et une numérotation. Ces énumérations recouvrent la surface du tableau de 1 à théoriquement l’infini, suivant les dimensions de ce dernier. Le principe du all over est mis en œuvre par le débordement des limites du tableau: les numérotations et les croix sont coupées par ces limites. Pour Brigaudiot se trouve ici une poésie de l’infini, de la psalmodie;, en un extrême dépouillement. Il y a également dans ces œuvres une fascination pour l’incompatible, l’inimaginable et peut-être même pour les mathématiques.: Les pièces vont de formats moyens à des polyptyques de dimensions atteignant 4 mètres, œuvres peintes sur carton brut ou sur bois contreplaqué brut.

Ultérieurement les étoiles deviennent des étoiles à cinq branches portées au tampon par leur figures découpées en pochoirs. Dès lors les œuvres sont polychromes, réalisées par une accumulation infinie de la figure de l’étoile, en formats différents et accumulées en recouvrements successifs sur la surface du tableau, ceci jusqu’à la figure de l’étoile se noie en l’infinité des empreintes.
 
Une partie des œuvres seront ainsi faites d’un fond étoilé fait de « myriades » d’étoiles qui se fondent et se confondent. Enfin le tableau est recouvert d’un réseau de lignes orthogonales dont les croisements sont numérotés de 1 à l’infini. 
Enfin ces tableaux étoilés vont s’adjoindre des poèmes, en persan, en français et en coréen. Ces poèmes relèvent autant d’un travail d’écriture que d’un travail de peinture: le texte partage sa lisibilité avec sa visibilité, il est à lire et à voir, ensemble ou séparément, illisibilité encore accrue de l’illisibilité naturelle de poésie. En effet la poésie a toujours autant de modalités d’appréhension et  de compréhension qu’elle a de lecteurs, de spectateurs, autant lue que dégustée, toujours possiblement détentrice d’une pluralité de sens clairement énoncés ou 
de ressenti.
 
Avec la période suivante, celle de La Genèse, Brigaudiot va quitter les formats orthogonaux et rectangulaires pour produire des oeuvres informes, sans formes pré-nommées par déchirure des supports papier qui, en tant que matrices imprimées de foules d’étoiles, sont une sorte de matière première dont l’artiste va user pour élaborer ses assemblage, collages, déchirures et déchirures. Tout cela se fait avec les périodes de La Genèse, I, II et III, puis avec Figures de l’Ange.  La mise en perspective de ces périodes permet de prendre en considération le rejet des savoir-faire, du cadre (les limites du format du tableau). Brigaudiot vit son art comme une aventure au premier degré, aventure hors cadre et hors champ où l’œuvre en son informel se répand à même l’espace du mur d’affichage et ainsi lui donne un rôle actif. Il n’est pas que fond mais acteur.

 Et en cette aventure qui se veut reposer sur un non savoir-faire, se profile un réel savoir faire de la déchirure, du bricolage, collage et décollage, tout cela procédant d’une fuite en avant vers un ailleurs qui introduit peu ou prou une dimension temporelle en l’immobilité de l’oeuvre picturale.