Brigaudiot et l’exposition.
Durant son parcours, Brigaudiot a pratiqué l’exposition selon des modalités bien différentes, dues tant au lieu d’accueil, galerie ou espace ordinairement dédié à l’art vivant, que lors d’expositions déterminées non plus tant par le lieu que par la nature de l’œuvre exposée. Pour Brigaudiot l’exposition est passée du modèle classique à des modalités plus contemporaines où l’espace d’accueil se met certes à disposition des œuvres mais où les œuvres, en un certain échange visuel et perceptif, contribuent à redéfinir la perception et le paraître de cet espace.
Ainsi l’installation que Brigaudiot pratique depuis plusieurs décennies est une modalité d’exposition bien spécifique, même si à priori, comme toute création artistique, elle reste toujours à redéfinir et à réinventer. Elle implique le plus souvent une élaboration/construction de l’œuvre sur le site, comme elle implique presque à coup sûr une dimension éphémère. Cette pratique de l’installation est apparue chez Brigaudiot en tant qu’artiste nomade comme une solution de prise en compte non seulement d’un lieu mais également d’un ailleurs: cité, pays, culture. Au-delà de premières présentations aléatoires d’œuvres tridimensionnelles dans l’espace d’exposition, il s’agissait d’objets construits et d’objets d’assemblage (la critique appela cela « environnement »), mais le vrai déclencheur fut un projet d’exposition en Martinique où Brigaudiot, au lieu d‘apporter quelques œuvres depuis son atelier parisien, décide, compte-tenu du passé/présent colonial de la Martinique de faire oeuvre à partir du lieu ; par principe, Brigaudiot opta pour l’alternative que pouvait être une exposition immédiatement issue de sa propre perception de ce territoire, de cet autre climat-monde. L’exposition, en cohérence avec un travail au long cours à partir de la photo icarienne de sols, fut ainsi et pour l’essentiel faite de photos, différents cadrages de portions de sols de Martinique, photos effectuées lors de déambulations et présentées, cette fois, dans des boites à pizzas ouvertes et entrouvertes. Ainsi naquit dans l’œuvre de Brigaudiot cette modalité d’exposition qu’est l’installation, œuvre nécessairement éphémère, œuvre d’un moment, faisant plus ou moins écho au lieu, en un sens extensif, allant de l’espace circonscrit de l’exposition elle-même à l’espace historique et culturel, mais possiblement géologique, géographique ou bien économique et politique, ou bien également à l’espace ressenti et perçu.
Et le blanc du mur.
Chez Brigaudiot, l’installation ne se limite pas à l’espace tridimensionnel et/ou temporel (avec la vidéo), elle met l’œuvre murale et picturale au travail avec ce fond blanc indéfini, le plus souvent non-espace, absence, négation de lui-même, à la fois espace et non-espace. Cela commence avec la période des Paysages Discontinus où l’œuvre picturale et graphique s’ouvre à un travail complexe sur et avec l’espace blanc du mur. Et cette pratique murale où le peint œuvre avec le non peint, le positif et le négatif pouvant être perçus/lus en alternance. De ce type de pratique murale a découlé l’éradication du cadre, ou bien sa manipulation, celui qui à la fois veut valoriser et isoler l’œuvre du lieu de son exposition. Cette modalité et cette forme d’installation plane impliquant le mur ont persisté chez Brigaudiot, à travers différentes périodes, incluant notamment le texte du poème, comme au Musée d’Art Contemporain d’Ispahan. Incluant donc le texte, la lettre, la typographie et la calligraphie en un jeu complexe où le voir et le lire s’articulent et se jouent l’un de l’autre, où le sens prend plastiquement forme et où la forme fait sens en son propre oubli.
Pour Brigaudiot, l’exposition est le moment où l’œuvre advient en un provisoire aboutissement, moment où elle se dévoile, se révèle et s’affronte à l’espace physique et social du lieu. Elle est le moment du dire sur elle-même, dire essentiel pour Brigaudiot que celui des publics hétérogènes de l’art, ceux des amateurs éclairés et des savants, mais aussi du public innocent, celui qui en cette innocence va dire l’essentiel, le ressenti spontané et profond, ce que ne disent point les propos éclairés. Ainsi pour Brigaudiot l’exposition est bien davantage qu’un accrochage ou une disposition de pièces dans l’espace où elle advient, elle est une aventure, un travail in situ qui ne peut se réaliser tel qu’il est que là-même où il l’est.