Les installations au sol … et au mur

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en l’immense, sans, ou juste, à peine
se penser pensant,
(penser, compenser, dépenser, rêver
aller au gré, vaquer.
repli, dépli et puis encore,
indéfinition des choses et des êtres.
penser un au-delà,
ombre si pâle de ce penser, si pâle et si ténue,
comme un rêve dans le rêve
(se regarder rêver en l’absence de soi ?
un moi dissout.

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Chez Brigaudiot, l’installation en tant que pratique artistique ainsi désignée apparaît à la fin des années soixante, lors d’une biennale au palais de l’Europe, à Menton. Brigaudiot produit alors des objets d’assemblages, volumes construits le plus souvent en bois, peints et  de diverses formes destinés à s’exposer ensemble en un même espace. Leur disposition n’est pas définitive, elle est déterminée par la nature de l’espace imparti. Lors de cette manifestation l’œuvre présentée par Brigaudiot fut désignée comme un environnement; alors, le terme installation n’était pas encore en usage.

Dès lors, en certaines occasions, Brigaudiot conçut des installations selon des thèmes variables, inventés pour l’occasion et ces installations furent fondées sur le rassemblement d’objets trouvés, achetés ou fabriqués, bien souvent peints, objets quelquefois issus d’autres installations  Les installations de Brigaudiot croisent volontiers des périodes en cours de développement.
Cependant chaque installation est conçue en fonction de l’espace d’accueil.
Chacune d’elles est par nature éphémère, destinée à n’exister qu’une fois, le temps de leur exposition. Celle de l’Abbaye de Beaulieu, Centre d’Art Contemporain fut pensée en écho à cette nef cistercienne, porteuse de la mémoire séculaire du lieu; elle s’articula autour d’un objet acquis chez un brocanteur: un fauteuil roulant du dix-neuvième siècle auquel s’adjoignirent de petites têtes de morts en céramique, des végétaux desséchés, tout cela se répandant en travers de cette vaste nef, et la liaison entre les objets était assurée par des câbles électriques sinuant sur les dalles du sol. Avec l’exposition de la la DFN gallery, à New York, ce furent des figures issues des Paysages Discontinus qui furent convoquées: sculptures d’art africain et objets de bronze évoquant des outils et machines agricoles d’antan. Au FRAC Alsace, l’installation s’articula autour du thème du mouvement à partir d’un ensemble de brouettes parcourant un long couloir, chargées de végétaux, de têtes de morts et reliées par des câbles sinuant au sol.
A la galerie Vivas, à Paris, c’est une sculpture de bois, une sorte de grosse roue qui fut présentée devant son étude sur papier réalisée en grand format: inversion du processus créatif ou l’étude de l’objet devient plus grande que celui-ci…
Chez Brigaudiot, l’installation dans l’espace d’un lieu va peu à peu contaminer et  conduire à se développer ses pratiques de l’exposition et générer des modalités de présentation des œuvres de plus en plus aléatoires, en même temps que éphémères. Cette démarche, dans sa globalité, conduit peu à peu Brigaudiot à un art à jamais fini, toujours ouvert à ses propres changements.
Ainsi, tant en la création plastique qu’en sa poésie, Brigaudiot se rallie à un éternel principe d’infini: l’œuvre est à jamais  à faire, défaire et refaire.