en cet espace sans haut ni bas,
sans, ou juste à peine.
se penser pensant,
penser, compenser, rêver
aller au gré, se laisser voguer,
repli, dépli et puis encore
(indéfinition des choses et des êtres.
penser un au-delà, ombre de ce penser,
ombre pâle, si ténue : un rêve dans le rêve
comment se regarder rêver en l’absence de soi?
(un soi dissout.
Les Monuments aux herbes folles, entre utopies, poésie et écologie.
Ces œuvres font partie des Paysages Discontinus qui comportent des œuvres en tableaux, murales ou encore des installations, pour la plupart, développées à partir de la fin des années 80. Les Monuments aux herbes folles témoignent d’une réflexion sur la nature du paysage contemporain, celui que nous pratiquons aujourd’hui, en une mise à distance de sa perception, ceci du fait de nos modalités de déplacements et d’appréhension: train, voiture, avion, d’une part, et d’autre part des modalités de sa re-présentation que sont la photo, le cinéma, la cartographie, voire la géologie; en images numériques, ça va de soi. Selon ces modalités contemporaines le paysage n’est plus tant ou seulement pratiqué/vécu dans une relation sensorielle directe mais à travers des dispositifs technologiques complexes où toutes les échelles et modalités de représentations cohabitent.
Les Monuments aux herbes folles relèvent à la fois d’une dimension poétique et d’un propos écologique apaisé.
Au début de la période des Paysages Discontinus, il y eut des centaines de photos de paysages prises au cours de balades: documentation, notes personnelles, parmi lesquelles se trouvaient certains monuments abandonnés, souvent il s’agissait de ces calvaires, présents le long de parcours appelés chemins de croix de nos régions. Ils jalonnaient le trajet des processions religieuses de Pâques, reproduisant ainsi le parcours, la passion du Christ, vers la croix. Dans les campagnes, bien souvent, il s’agit de socles monumentaux, en pierre sculptée, surmontés d’une croix métallique. Leur forme est globalement la même que celle des socles de la statuaire ornementale des parcs et jardins. Biensouvent la croix avait disparu et le plan supérieur du socle était envahi par des herbes folles: poésie de la ruine envahie par les dites mauvaises herbes, opposition du dur, du solide et de l’éphémère et fragile, soit deux échelles temporelles. L’appropriation qui s’ensuivit déboucha sur la construction de simulacres de ces monuments surmontés de vraies herbes folles. C’est ce qui dès lors constitua le cœur d’ installations présentées dans les expositions en galerie, en musée ou en centre d’art.
En cette même période, Brigaudiot conduisait une réflexion sur le réel et sa figuration. C’est ainsi que ces éléments d’un paysage rural disparu furent artialisés, transposés, transmutés en art, sous forme d’installations au sol de plusieurs socles construits à une échelle réduite. Accompagnait cela, dessinée à même le mur, la beaucoup plus grande figure d’un socle avec herbes folles, ceci sur fond de listes sans fin d’adventices, ces soit disant mauvaises herbes que l’agriculture contemporaine détruit volontiers.
Ces œuvres/installations, les Monuments aux herbes folles, témoignent d’une démarche réflexive conduite sur un élément du paysage et sa ruine; laquelle génère aisément une émotion poétique accompagnée d’un propos quelque peu constatatif et écologique quant au rapport du naturel et du construit. La présentation en galerie ou en Centres d’art, répétée à maintes reprises, a cependant laissé ces installations en attente de l’opportunité d’une réalisation monumentale in situ, c’est-à-dire dans l’espace du jardin public ou dans l’espace bétonné et urbain.