artiste plasticien et poète

L’œuvre de Jean-Pierre Brigaudiot est avant tout rêverie : rêver, rêver le monde à partir de quelques indices et signes plastiques bien souvent associés aux mots et au chant, ceux de la poésie. Rêver un monde tel que seul le rêve peut le dire, montrer, esquisser, suggérer. Une œuvre profuse et hétéromorphe où ce qui diffère finit par se ressembler: pourtant et à priori les allers et retours se suivent et ne se ressemblent point.

Sans haut ni bas, un espace à redéfinir, un sens incertain de lui-même, une œuvre à faire et défaire puis à refaire, sans fin, œuvre toujours même et autre, indétermination du sens et des formes, du dit et dépeint, du peint et du  non peint. L’endroit et l’envers, l’abolition au profit de l’espace du mur, illimitation. Abolition aussi du faire institué au profit de l’essai, de l’expérience: sortie des territoires connus vers l’aventure. L’œuvre reste ouverte à une fin hypothétique, à jamais en suspens, à jamais arrêtée, ouverte à ce qu’elle pourrait être; elle-même ou autre –autrement dite-, in process. Un art où le processus est conducteur vers cet ailleurs en fuite de lui-même.

Chaque  période,  puisque le  parcours est constitué de périodes dotées de caractéristiques, chaque période est un autre rêve, ou le même va, masqué, pour finalement se découvrir en ses familiarités avec d’autres périodes. Ou en une continuité intermittente. Périodes parmi d’autres:

Paysages Discontinus.

Michel-Ange, Michel-Ange.

Palimpsestes.

Les étoiles.

La Genèse.

Un bleu si bleu que seule l’écarlate

et d’autres.

Et la poésie, celle d’un artiste, visuelle et plastique ou quelquefois le signe prend ses distances avec le sens, poésie autant à voir et à ressentir qu’à lire.
Et la vidéo, espace mouvant du cinéma où la poésie est dite en des langues étrangères, pour le chant qui tant diffère, et pour le dialogue des cultures.
Poésie au risque de ses impossibles traductions, si ce n’est pour sa propre  re-création.

Une œuvre qui repense l’art et l’éloigne du même. Quête infinie d’un art à réinventer, dire sans redire et ressentir-pressentir  autrement. Le rêve comme déterminant : dé-réaliser, oser rêver, infinie liberté de l’esprit voguant sans amarres. Redéfinir l’art et le monde au regard des espaces et des temps infinis. Un art inscrit dans son temps et tellement jaloux de son  indépendance.

La peinture chinoise est une peinture de l’intention : c’est une sorte « d’associations improbables et d’épiphanie fantastique, son sens ne se trouve qu’en dehors de la langue et de l’image ».

Wang, 2015, p. 271. In Penser en Chine, p. 214, collection Folio Essais, Ed.Gallimard, 2021. 

Selon J.P. Brigaudiot, l’œuvre d’art reste, sinon indicible, définitivement inépuisable par le langage. En son mutisme, elle résiste à tous les discours, à toutes les explications, pour, simplement être ce qu’elle est en ces territoires du senti, pressenti, ressenti.